
Palestine 18 : « Nous n’avons pas le droit d’abandonner »
Créée à Vierzon par un habitant d’origine palestinienne, Palestine 18 est une antenne locale de l’association France Palestine Solidarité (1). Elle comprend une trentaine de membres. « La grande majorité sont Français, disons de « souche », explique Bassam Nasser, président depuis une dizaine d’années. Nous œuvrons pour la Palestine mais ne sommes pas tous palestiniens. Je suis le seul arabophone. » Il est né au Liban, tout près de la frontière avec Israël et la Palestine.
Le slogan de l’association ? « Agir pour une paix juste et durable ». « Mais la paix, c’est différent d’un simple cessez-le-feu, souligne Bassam. Il faut que les conditions soient réunies pour vivre en paix et ce sont aux parties touchées par le conflit de dire si c’est le cas. Pas à nous. » Cette question de l’autodétermination des peuples est fondamentale dans le conflit israélo-palestinien. Bien des frontières ont été tracées sans les accords des principaux/les concerné·e·s, créant ainsi des tensions qui éclatent en guerre.
« Lors de la dernière assemblée générale, nous avons décidé de changer de logo, raconte Bassam. Avant, il s’agissait de la carte de la Palestine historique avec deux Etats. Désormais, c’est une colombe symbole de la paix aux couleurs de la Palestine. Parce que ce n’est pas à nous de décider quelle forme doit prendre cette partie du monde. »
Sensibiliser ici, aider là-bas
Palestine 18 agit à deux niveaux : localement, à Vierzon et dans le Cher, elle sensibilise la population à l’Histoire de la Palestine, à sa culture, à ce qui s’y passe… Elle organise ainsi régulièrement des soirées culturelles. Le dimanche 17 décembre dernier, elle a participé à la Journée pour la Palestine initiée à Bourges par des collectifs d’habitant·e·s et des associations. Bassem Nasser y a témoigné devant une salle comble, en replaçant les événements actuels dans un contexte historique et géopolitique plus large.
Mais Palestine 18 agit aussi sur le terrain. « Nous nous appuyons sur des contacts de confiance qui vivent là-bas. Par exemple, nous avons financé l’amélioration d’habitats dans un camp de réfugié·e·s en Cisjordanie, des sanitaires dans une école à Gaza, une colonie de vacances pour des enfants… En 2014, nous avons aussi reçu des jeunes ici, qui venaient de camps de réfugié·e·s, de Jérusalem et de Gaza. Ils étaient tous Palestiniens mais géographiquement séparés. Le but était qu’ils se rencontrent et qu’ils rencontrent de jeunes Français. » L’association a pu garder contact avec quelques-uns d’entre eux, qui ont poursuivi leurs études en médecine, pharmacie, informatique…
Bassam Nasser a-t-il des nouvelles depuis le début de la guerre ? « Au début du conflit, oui, mais depuis mi-décembre, c’est très compliqué. Une jeune fille de Khan Younès m’a dit : « Je n’ose plus me connecter sur Internet de peur d’apprendre des nouvelles terribles. » Elle s’est abritée dans une école où les gens sont les uns sur les autres, dans les salles de classe, les escaliers… Il ne reste pas un m² de libre. Elle m’a envoyé une photo de la ration alimentaire qu’elle reçoit tous les trois jours de l’UNRWA (2) : une bouteille d’eau et deux boîtes de conserve... »
Le manque d’électricité et de réseaux complique les communications et aggrave l’isolement des Gazaoui·e·s. Sans parler de l’impossibilité des journalistes de travailler : 115 tué·e·s depuis le 7 octobre (contre une cinquantaine en moyenne par an sur l’ensemble du globe, selon Reporters Sans Frontières).
Faire pression sur les pouvoirs publics
Pour financer ses actions, Palestine 18 peut compter sur des dons et, même si elles sont « de plus en plus difficiles à obtenir », des subventions publiques de la part de la Ville de Vierzon, du Département et de la Région. « Les événements actuels suscitent l’émotion. Les gens y sont sensibles et nous constatons un pic de dons, explique Bassam Nasser. Souvent, les personnes qui aident ne sont pas les plus aisées, mais la cause palestinienne leur tient à cœur. »
Palestine 18 collabore régulièrement avec d’autres associations locales, comme Médina qui agit pour faciliter l’accès à l’eau potable dans les écoles de Gaza (3). Bassam Nasser donne un autre exemple : « Il y a six ans, avec les différentes antennes de France Palestine Solidarité de la région Centre, nous avons financé un château d’eau dans un camp de réfugié·e·s. Un investissement d’environ 15.000 euros. Nous avions peint le drapeau français dessus, pour le protéger en quelque sorte. Mais quelques mois plus tard, Israël l’a détruit... »
Comment peut-on aider, aujourd’hui et concrètement, les Palestinien·ne·s ? « Dans l’état actuel des choses, il est impossible d’envoyer quoi que ce soit à Gaza ni de faire des transferts d’argent, répond Bassam Nasser. Mais nous devons rester mobilisé·e·s pour faire pression sur les pouvoirs publics, comme le samedi lors des rassemblements. On doit tout mettre en œuvre pour arrêter cette folie ! Ça ne demande pas d’argent, juste un peu de temps. Ensuite, on peut intégrer des associations, comme Palestine 18 mais aussi la Croix-Rouge, Médecins du monde ou Médecins sans frontières… celle en qui on a le plus confiance. »
Un océan de besoins...
Se prépare-t-il déjà à la fin de la guerre, lorsqu’il sera possible de retourner sur place pour aider concrètement ? « On sera face à un océan de besoins… alimentation, relogement, soins… dans un premier temps, ça se jouera sans doute plutôt au niveau des Etats. Mais dans un second temps, il faudra organiser une aide rapide pour les enfants, remettre sur le chemin de l’école les jeunes. Le peuple palestinien est un peuple très instruit, en moyenne le plus diplômé des pays arabes. Tous ceux qui peuvent suivre des études le font et c’est très important. »
Tout ce que l’association a construit ces dernières années à Gaza a été anéanti par les bombes israéliennes. Ne se sent-il pas découragé ? Il marque un temps avant de répondre : « La première source de courage, on la trouve auprès des Palestiniens eux-mêmes. Ils n’ont jamais baissé les bras ! Ils forcent le respect et l’admiration. Je vous avoue que ce n’est pas toujours facile de se motiver à refaire tous les dossiers, toutes les demandes auprès des institutions, les convaincre de croire en nos projets… mais nous n’avons pas le droit d’abandonner. »
Fanny Lancelin
Notes
- (1) https://www.france-palestine.org/groupes?depart=18#carte
- (2) United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees : agence de l’ONU pour les réfugié·e·s palestinien·ne·s.
- (3) https://solidarite-medina.org/
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Contacts
Palestine 18 : palestine-18@outlook.fr
Association France Palestine Solidarité : https://www.france-palestine.org