« Le procès des écocidaires » : un spectacle pour interpeller autrement
Distribution de tracts, réunions publiques, mobilisation sur le terrain, présence au conseil municipal, conférences de presse… L’association Romo Citoyenne a d’abord utilisé tous les moyens « classiques » pour informer la population de Romorantin et des villages alentour sur le projet de plateforme logistique porté par la société Catella et qu’elle conteste (lire l’encadré). Son objectif : provoquer le débat public que les collectivités locales et les commissaires-enquêteurs ont toujours refusé d’organiser.
Après deux ans de lutte, l’association a choisi de travailler à une nouvelle forme d’action : un spectacle théâtral et musical intitulé « Le procès des écocidaires », joué samedi 28 septembre dans le jardin de riverain.es du site. Environ 70 spectateur.ices y ont assisté.
Durant deux mois, 25 membres de l’association se sont retrouvé.es régulièrement pour discuter et débattre du contenu du texte. « Parmi nous, il y a aussi des musiciens, précise François Frapier, qui assure la mise en scène. Ils ont proposé de travailler des musiques originales et des reprises. » Après trois jours de répétition, la troupe était prête pour la Première !
Des plaignants-combattants pour le vivant
D’une durée de seize minutes, découpée en six courts mouvements, la pièce reprend les codes d’un procès. Il se déroule en 2030, alors que la COP35 vient d’échouer. On y retrouve une présidente, des juges, des accusé.es (les écocidaires), des « plaignants-combattants pour le vivant » (« éco-terroristes, diront certains ») et le peuple.
« Ça parle de plateforme et aussi d’autres projets inutiles », précise François Frapier. Ainsi, parmi les écocidaires, figurent Madame Plateforme née Logistique mais aussi Madame Mégabassine, Monsieur Grand Complexe alias Tourisme et Loisirs ou encore Monsieur Champ Volto. Face à elleux, dans le camp du peuple, les premier.es de corvée, les Gilets jaunes « et de toutes les couleurs », les « sans dents de Flanby » (1), les « éborgné.es de Jupiter »... (2)
Chaque partie expose ses arguments avant que le verdict soit rendu. La musique ponctue le propos. Le public reçoit beaucoup d’informations sur un ton souvent plein de dérision et d’humour. « La qualité de notre pièce a été reconnue, les gens ont trouvé ça percutant », se réjouit Yvon Chery, membre de l’association, qui interprète le rôle du narrateur. Un véritable encouragement pour la troupe d’amateur.ices qui renouvellera l’expérience pour se rôder, jusqu’à se sentir prête à jouer sur la place publique.
Remettre le sujet dans le débat public
A l’origine, Romo Citoyenne était une liste de candidat.es à l’élection municipale de 2020. Ses résultats ne lui permettant pas de siéger, elle a décidé de se transformer en association pour poursuivre la dynamique et mettre en œuvre les propositions de son programme malgré tout. Par exemple, la création d’une maison des artistes ou encore une régie municipale agricole. « Une belle alternative pour les 18 hectares de la plateforme ! »
L’association n’avait pas prévu de devoir lutter contre le projet de la société Catella. « Le groupe avait manifesté son intention de s’implanter à Romorantin en 2019 mais le projet a été relancé en 2022 et c’est par la presse que nous l’avons appris », se souvient Yvon Chéry qui dénonce l’absence de discussions organisées par les élu.es sur le sujet.
Deux enquêtes publiques ont bien eu lieu en 2023 : la première a dû être suspendue à cause d’un défaut d’impartialité du commissaire-enquêteur ; la seconde a recueilli plus de 200 contributions, notamment grâce à Romo Citoyenne qui a encouragé les habitant.es à s’exprimer.
Les autorisations de construire et d’exploiter ont toutefois été accordés, aussitôt contestés par l’association. Les dates des audiences n’ont pas été annoncées et, les recours n’étant pas suspensifs, les travaux pourraient théoriquement démarrer. « Plus on se rapprochera des élections municipales, plus ce sera intéressant pour remettre ce sujet dans le débat public », souligne Yvon Chéry.
Le samedi 9 novembre prochain, l’association accueillera à Romorantin une réunion de la Coopération Luttes Locales Centre : un collectif de lutte contre l’artificialisation des sols en région Centre Val de Loire. L’occasion d’échanger avec les autres associations mobilisées contre les plateformes comme « A bas le béton ! » à Mer ou « Hangars et tout camion, c’est non ! » à Vierzon (lire aussi la rubrique (Ré)acteur.ices). Et pourquoi pas, de transmettre l’idée de nouvelles pièces ?
Texte : Fanny Lancelin
Photos : Romo Citoyenne
Notes
- (1) « Sans dents » : expression attribuée à François Hollande pour désigner les classes populaires : https://www.francetvinfo.fr/politique/valerie-trierweiler/pourquoi-l-expression-les-sans-dents-restera-un-serieux-accroc-dans-la-carriere-de-hollande_686147.html
- (2) En référence aux personnes victimes de LBD sous les mandats d’Emmanuel Macron surnommé Jupiter.
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Le projet contesté en quelques chiffres
- Sur un terrain de 18 hectares situé à cheval sur 2 communes : Romorantin-Lanthenay et Villefranche-sur-Cher dans le Loir-et-Cher (41) ;
- 2 entrepôts de 44.265 m² et 27.915 m², d’une hauteur libre maximale de 12 mètres, des bureaux et des parkings ;
- 200 poids-lourds qui y transiteront chaque jour. Soit un flux de 400 camions empruntant la route départementale 222 qui traverse plusieurs villages ;
- un investissement d’environ 50 millions d’euros selon Catherine Savart, la directrice de Catella Logistic Europe ;
- 250 emplois directs et indirects annoncés ;
- 2 recours portés par l’association Romo Citoyenne et 7 riverain.es : le premier déposé en novembre 2023 contre le permis de construire et le second déposé en septembre 2024 contre l’autorisation d’exploiter. Les deux seront examinés par le Tribunal administratif d’Orléans.
Sources :
- https://www.lettrevalloire.com/flash-eco/2022-catella-logistic-europe-espere-ouvrir-a-romorantin-en-2024/
- https://www.catella.com/fr/france/project-management/nos-projets/solog--romorantin
Contact Romo Citoyenne : 06.13.63.26.19. ou mcp41@wanadoo.fr