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Du monopole d’Etat aux radios libres, de la FM au numérique...

15 novembre - 15 décembre 2024
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Les années 1980 sont souvent citées comme la décennie marquante pour la radio en France. Elles représentent en effet un tournant dans le développement des stations associatives, locales, indépendantes. Mais cette situation est le fruit d’une évolution, notamment politique, qui s’étend sur plus d’un siècle. Petit retour historique (non exhaustif) en quelques dates clés.
  • 1921 :

Installation sur la Tour Eiffel de l’émetteur des programmes réguliers de la Région parisienne. Sur ce secteur et sur Lyon, s’installent à la fois des stations que l’on pourrait qualifier de « publiques » et de « privées ».

 

  • 1922 :

Apparition des premières radios françaises : Radio Tour Eiffel et Radiola.
La radiodiffusion est alors sous monopole d’Etat.
Un plan de nationalisation des radios privées est lancé en 1928 et désormais, elles doivent demander une autorisation pour émettre.

 

  • Années 1930 :

Développement de la radio par l’extension du réseau de diffusion. Il est administré par une autorité de tutelle, le ministère des PTT, qui réglemente les accès au réseau ainsi que les contenus.

 

  • 1933 :

Mise en place de la redevance pour financer les stations publiques ; les stations privées garantissent leur fonctionnement par des recettes publicitaires.

Sous le Front populaire et à l’approche de la guerre, la radio devient un instrument de propagande politique.

 

  • Juin 1940 :

Sabotage de l’émetteur de la Tour Eiffel par son directeur pour éviter qu’il tombe aux mains de l’ennemi.

C’est à la radio, le 17 juin 1940, que le Maréchal Pétain annonce aux Français.es l’armistice avec l’Allemagne.
Le lendemain, le 18 juin 1940, c’est également par la voie des ondes que le Général de Gaulle lance son célèbre appel à la résistance depuis Radio Londres.

 

  • 1949 :

Création de la RTF (Radiodiffusion Télévision Française) en remplacement de la RDF (Radiodiffusion Française) créée en 1945 et contrôlée par le ministère de l’Information.
Dès 1945, le monopole d’Etat a été réaffirmé et se maintiendra jusqu’en 1982. Le but étant de s’assurer un contrôle des infrastructures de communication et du contenu de l’information, tout en permettant les initiatives privées, sous conditions.

 

  • 1951 :

Autorisation de la publicité sans marque sur la radio publique.

 

  • 1955 :

Création d’Europe 1, première station privée à séduire réellement les auditeur.ices, instaurant dès lors une véritable concurrence dans le secteur radiophonique.

Europe 1, Radio Luxembourg (RTL) et Radio Monte Carlo (RMC) sont à remettre en cause le monopole d’Etat sur les contenus radiophoniques et offre alors aux auditeur.ices une véritable alternative de programmes.
Confrontées au développement de la télévision, elles doivent sans cesse innover, techniquement et éditorialement.

En mars, le transistor fait son apparition au Salon de la pièce détachée. Il sera commercialisé dès 1956. Une révolution technologique puisque l’écoute devient mobile.
Autre avancée qu’Europe 1 s’empressera d’exploiter : le Nagra, un enregistreur portable qui permet à ses journalistes d’être au cœur des événements.

 

Photo : Radio France.

  • 1959 :

Statut d’établissement public pour la RTF, ce qui, en théorie, doit lui conférer une autonomie de gestion. Mais les lourdeurs administratives, la difficile coexistence entre la radio et la télévision, et les craintes de devoir se passer du soutien de l’autorité de tutelle créent de nombreux freins.

 

  • 1963 :

Naissance de France Inter (ex-Paris Inter), France Culture (ex-RTF promotion), France Musique (ex- RTF Haute fidélité).

La Maison de la Radio est inaugurée par le Général de Gaulle à Paris le 14 décembre.

 

  • 1964 :

Création de l’ORTF (Office de Radiodiffusion-Télévision France) qui a pour mission la tutelle de la radiodiffusion et de la télévision publique, la gestion des émetteurs et de la production audiovisuelle nationale et régionale.

 

  • 1969 :

Suppression du ministère de l’Information en tant que ministère puis secrétariat d’Etat.
L’audiovisuel est rattachée aux services du Premier Ministre et le restera jusque dans les années 2000 via la Direction du Développement des Médias (DDM). (Elle dépend aujourd’hui du ministère de la Culture.)

 

  • 1971 :

Création de FIP (France Inter Paris), station essentiellement de musiques et de brèves. En 1975, RFI (Radio France Internationale) voit le jour et RFO (Radio France Outre Mer) en 1983. France Info, première chaîne d’informations en continu démarre dans quelques villes en 1987 et s’étend progressivement.

Parallèlement, développement des radios « pirates ».

 

  • 1973 :

Mise en place du Haut Conseil de l’audiovisuel.
Le ministère de l’Information est brièvement de retour.

 

  • 1974 :

Démantèlement de l’ORTF qui compte alors 16.000 salarié.es et propose 26.000 heures de programmes radio et 6.700 heures de programmes télé par an.
A la place, création de sociétés distinctes pour la télévision (TF1, Antenne 2 et FR3) et pour les radios publiques (Radio France).

Le ministère de l’Information disparaît définitivement.

 

  • 15 février 1978 :

Première « journée nationale des radios libres » organisée par l’ALO (Association de Libération des Ondes) et la FNRL (Fédération Nationale des Radios Libres).
Plus d’une vingtaine de stations possèdent alors leur propre émetteur. Ce jour-là, elles diffusent simultanément des émissions-manifestes contestant le monopole de la radio publique, mais la plupart sont brouillées par TDF (Télédiffusion de France).

 

Photo : Radio France.

  • 1980 :

Création des premières radios locales de Radio France : Fréquence Nord, Radio Melun et Radio Mayenne ; création également d’une radio à destination des « seniors », Radio Bleue (jusqu’en 2000).

 

  • 1981 :

Election de François Mitterand à la présidence de la République et victoire de la gauche aux élections législatives. La question de la libéralisation de l’audiovisuel a été un des thèmes forts de la campagne.

 

  • 9 novembre 1981 :

Le président de la République et le ministre de la Communication, Georges Fillioud, autorisent les radios dites « libres » à émettre à condition qu’elles ne se constituent pas en réseau, qu’elles ne brouillent pas les programmes de la bande FM et qu’elles ne diffusent pas de publicité.

Rapidement, les nouveaux entrants enfreignent la réglementation. Les fermetures administratives se multiplient. Les radios restantes se fédèrent en associations et militent auprès des pouvoirs publics pour obtenir des subventions et le droit à la publicité sur leurs antennes.

Citons l’arrivée de NRJ (la Nouvelle Radio de Jeunes) dès 1981, Fun Radio en 1985, Skyrock qui lance son réseau national privé en 1986, Europe 2 la même année.

 

  • 29 juillet 1982 :

Création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle, dont les membres sont nommé.es par le gouvernement et le Parlement. Censée être autonome, elle est chargée de veiller à l’indépendance du service public et d’encadrer l’attribution des autorisations aux radios et télévisions privées.

La Commission Nationale de la Communication et des Libertés (CNCL) lui succédera en 1986.

 

  • 1982 :

Création du Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique locale (FSER) qui a pour but de financer les radios associatives.

 

  • 1984 :

L’Etat autorise la publicité comme moyen de financement pour les radios « libres » : elles doivent alors se structurer en radios commerciales. Si elles restent sous statut associatif, elles peuvent demander des subventions.
Pour perdurer, certaines stations se structurent en réseau. C’est le cas de NRJ, par exemple, ou de Radio Classique créée par une équipe dissidente de France Musique. (Elle fait aujourd’hui partie du groupe LVMH).

 

  • 1986 :

Loi relative à la liberté de la communication dite « loi Léotard » : de grands groupes, parfois sans réel lien avec le monde de la culture, de l’information ou de la radio, peuvent acquérir de nouvelles fréquences dans le but de développer leurs recettes publicitaires. De nombreuses radios commerciales locales ou régionales sont rachetées ; le phénomène de concentration des médias radio est lancé…

 

  • 1989 :

Création du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) qui met en place des catégories :

- A pour les radios associatives de proximité ou communautaires ;
- B pour les radios locales ou régionales commerciales qui ne sont pas affiliées à un réseau national ;
- C pour les stations locales ou régionales qui sont affiliées ou abonnées à un réseau national ;
- D pour les radios diffusant le programme d'un réseau thématique national sans décrochage régional ;
- E pour les radios commerciales généralistes nationales.
Les radios d’autoroute constituent une catégorie à part.

La catégorie A peut prétendre au FSER si elle ne diffuse pas de publicité.

 

  • Années 1990 :

Emergence du multimédia qui change notamment les habitudes d’écoute. Par exemple, en août 1999, Radio France Multimédia lance son premier reportage. C’est le début des web radio thématiques, autour du livre, du sport, de la cuisine...

Avec la généralisation d’Internet, les programmes en ligne, complémentaires de la grille fixe, se multiplient.

 

  • Années 2000 :

Accélération du tout numérique ; apparition du podcasting : les auditeur.ices peuvent désormais s’affranchir de l’écoute en direct, choisir et télécharger leurs émissions quand iels le souhaitent.
Les applications mobiles des radios font leur apparition sur les smartphones.

 

  • 1er août 2000 :

Loi « Trautmann » qui précise notamment la mission des radios associatives : « une part suffisante des ressources en fréquences » doit ainsi être attribuée « aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité ». Celle-ci est entendue « comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. »

 

  • Depuis 2018 :

Déploiement du DAB +, une version numérique de la radio en FM, pour accroître la couverture et toucher de nouveaux publics.
Parmi les avantages annoncés : pour les auditeur.ices, un son de meilleure qualité, une meilleure continuité d’écoute en mobilité ou l’arrivée de nouvelles stations ; pour les radios, la baisse des coûts de diffusion, l’extension de la couverture dans un contexte de saturation de la bande FM et la synergie avec les réseaux mobiles 5G.

 

  • 2022 :

Création de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) résultant de la fusion du CSA et d’Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet).

Plus

Nos sources :

- « La radio », de Patrice Cavelier et Olivier Morel-Maroger, collection Que sais-je ?, édition PUF (Presses Universitaires de France).

- « Les radios associatives au service des politiques d’action publique. L’encastrement de l’action associative radiophonique dans les politiques publiques de communication sociale de proximité », Raphaël Dapzol, Revue Radiomorphoses, novembre 2021 : https://journals.openedition.org/radiomorphoses/1641

- « Qu’est-ce que l’audiovisuel public ? » , ministère de la Culture : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/audiovisuel/qu-est-ce-que-l-audiovisuel-public

- « Fonds de soutien à l’expression radiophonique », ministère de la Culture : https://www.culture.gouv.fr/fr/catalogue-des-demarches-et-subventions/subvention/Fonds-de-soutien-a-l-expression-radiophonique-locale-FSER

- La Grande Bibliothèque du Droit : https://www.lagbd.org/Radios_locales_et_associatives,_notions_et_r%C3%A9gimes_juridiques_(fr)

- « Tout savoir sur la réception et le déploiement du DAB+ » : https://www.csa.fr/Informer/Comment-recevoir-la-television-et-la-radio/DAB-tout-savoir-sur-la-radio-numerique-terrestre/Tout-savoir-sur-la-reception-et-le-deploiement-du-DAB