
« La jeunesse n’emmerde plus le RN », Julie Benzoni
« Moi, je sais très bien pour qui je vais voter. Ma main ne va pas trembler au moment de mettre mon bulletin. » Quelques jours avant le 9 juin 2024, Tom, âgé de 21 ans, n’a aucun doute : c’est le Rassemblement National qui emportera sa voix. Agriculteur, habitant un village de la région de Saint-Etienne, il est sensible aux positions de Jordan Bardella sur la défense de la ruralité. A tel point qu’il s’investit pour tracter sur les marchés, coller des affiches une fois la nuit tombée, organiser une réunion publique avec un député européen RN dans sa commune. Non, assure-t-il, il n’est pas raciste ni fasciste, et ces termes le blessent. Ce qu’il veut ? Voir rouvrir les commerces dans son village, notamment un bar pour faire se rassembler les gens. Et lutter contre les accords de libre échange qui appauvrissent le monde agricole.
A l’occasion d’un meeting organisé à Marseille, Tom rencontre Juliette, 27 ans, Adrien, 21 ans, et Cassandra, 17 ans. Ensemble, iels suivent avec enthousiasme le discours de Jordan Bardella et posent avec lui pour un selfie. Mais leurs motivations sont-elles toutes les mêmes ?
Mère célibataire, Juliette cumule emploi et études pour devenir greffière. Elle compte scrupuleusement les charges qui ne cessent d’augmenter tandis qu’elle touche le SMIC. « Le vote avec le RN, c’est parce que je me suis aperçue qu’il y avait beaucoup d’inégalités, beaucoup d’injustices… qu’on n’était pas tous à la même enseigne, explique-t-elle. L’immigration de ceux qui viennent et qui disent sans honte « On vient parce qu’il y a la Sécurité sociale et les aides », et qui volontairement restent chez eux parce qu’ils savent pertinemment qu’ils auront tout (…) et ben non, j’peux pas. »
Adrien, 21 ans, ne veut « pas faire d’amalgame », mais c’est bien l’insécurité que causerait l’immigration notamment, qui le pousse à voter RN. Il raconte comment il aurait été agressé par un groupe de « typés méditerranéens », un soir en sortant de discothèque. Un événement qui « a créé une grande colère ». « J’ai un petit espoir que Bardella fasse changer les choses. » Pour autant, ce sont aussi ses difficultés à boucler les fins de mois qu’il met en avant, alors qu’il travaille et fait les 2/8. « J’suis un Français de base, moi. J’paie un crédit, j’ai un salaire moyen mais j’ai pas d’aides. »
Grand drapeau bleu-blanc-rouge au-dessus de son lit, Cassandra vit encore chez ses parents. Lycéenne, elle trouve Jordan Bardella « gentil », « droit », ayant « de l’humour » au contraire des autres hommes politiques qui ont l’air « aigri ». Elle ne comprend pas pourquoi « les gens ne sont pas fiers d’être Français ». Pour elle, « autorité » et « civilisation » vont de pair. Elle fustige « ceux qui gouvernent » et n’écoutent pas le peuple, et elle aspire à un véritable changement.
Qu’ont ressenti ces quatre jeunes à l’annonce des résultats le 9 juin ? Diffusé pour la première fois le 31 mai 2024, le documentaire ne le dit pas. Sans doute de la joie et de l’espoir. Certes, en 36 minutes, le film ne dresse pas un portrait exhaustif de celleux qui ont fait du RN le premier parti politique des jeunes en France. Mais il rappelle combien la dédiabolisation de l’extrême droite a fonctionné, y compris dans des catégories de population qui votaient jusqu’ici majoritairement à gauche.
Pour voir le documentaire gratuitement en replay, rendez-vous sur https://www.arte.tv/fr/videos/118869-000-A/france-la-jeunesse-n-emmerde-plus-le-rn/