
« La Commune & les Communards du Cher 1871 », Jean-Pierre Gilbert
Dans l’introduction de son ouvrage, Jean-Pierre Gilbert explique : « Les médias connaissent les notables mais ignorent les acteurs du mouvement populaire. Pourtant, il faut compter avec tous ces anonymes... C’est aussi pour eux qu’est fait ce livre, pour les nommer, pour dire qui étaient leurs parents, leur village, et leur donner une place dans les mémoires (…). C’est pour cette raison que j’ai développé les portraits de certains communards inconnus autant que ceux des personnages historiques. » Pour cela, il a effectué des recherches aux archives départementales du Cher, auprès de l’association Les Amies et Amis de la Commune de Paris - 1871 et de cercles généalogiques, dans des ouvrages d’historien·ne·s, dans le dictionnaire Maitron (1), sur des blogs spécialisés… « Ni ouvrage d’historien, ni livre militant », comme tient à le préciser l’auteur, il est toutefois une précieuse ressource pour tous·tes celleux qui s’intéressent à cette période ou à l’histoire locale berrichonne.
Car si « Le Cher n’a pas fourni le plus gros contingent de participants à la Commune de Paris », certains communards de premier plan étaient de ce département, les plus célèbres étant sans doute Eugène Baudin, Emmanuel Delorme, Charles Gambon, Francis Jourde, Julien Porcher, Félix Pyat, Gabriel Ranvier et Edouard Vaillant. Ils étaient ouvriers porcelainiers, chansonnier, avocat, maître d’études, cafetier, homme de lettres, ingénieur, médecin et venaient de Vierzon, Saint-Amand-Montrond, Bourges ou Baugy.
Mais la majorité des participant·e·s étaient en effet des personnages moins connus voire des anonymes que les fiches individuelles établies par Jean-Pierre Gilbert contribuent à faire connaître.
Certains parcours sont réellement extraordinaires : comme celui de Gervais Bourdinat, menuisier et entrepreneur en charpente né à Bourges. Membre de la Garde nationale fédérée sous la Commune, il est arrêté et déporté à Nouméa. Malgré sa remise de peine, il décide d’y rester. Il y possède un atelier, est élu au conseil municipal et devient membre de l’Union démocratique de propagande anticléricale et de la loge maçonnique « L’Avenir Calédonien ». Il fera don de sa collection complète d’armes kanak au musée de Bourges.
Citons aussi Francisco Alberto Clemente Daniel, musicien né à Bourges, enseignant à Alger, auteur d’un ouvrage de référence sur la musique berbère kabyle et arabe, critique musical puis... délégué communal du 6e arrondissement où il dirige le conservatoire de musique, arrêté pendant la Semaine Sanglante qui terrassa la Commune, « fusillé sans jugement ni condamnation » comme tant de milliers d’autres.
Parfois, Jean-Pierre Gilbert n’a trouvé que peu d’éléments biographiques mais ils lui suffisent à élargir son propos : comme pour Joséphine Bergé (ou Berger) née à Santranges. « On ne connaît pas les raisons de sa venue à la capitale ni la profession qu’elle exerçait » mais on sait qu’elle fut soupçonnée d’être favorable à la Commune et fut pour cela emprisonnée dans les geôles de Versailles avec des centaines d’autres femmes. Jean-Pierre Gilbert parle alors des conditions de détention grâce à des témoignages de survivantes. Pour Henri Foucher, cocher né à Henrichemont, qui s’est engagé dans la Garde nationale fédérée, ce sera la détention sur un « bateau-ponton », véritables prisons flottantes mais restant toujours à quai.
Il faut lire aussi les fiches des frères Okolowicz, membres d’une fratrie de 24 enfants, musiciens et directeur de théâtre nés à Vierzon, devenus soldats pour la Commune. Ou encore celles de Jean-Baptiste Chardon, Gabriel Daout, Jean Girault, Emile Lacord…
Le livre de Jean-Pierre Gilbert ne contient pas seulement des histoires de Berrichon·ne·s. Il raconte aussi, plus largement, le contexte dans lequel la Commune est née et offre une chronologie des faits. Il évoque les décrets les plus significatifs pris durant cette période, publie quelques chansons et citations, un lexique… Il propose également un éclairage sur le « Journal du Cher », qui soutenait l’ordre et dénigrait les Communard·e·s, et sur les positions pour le moins déroutantes de George Sand…
« La Commune & les Communards du Cher 1871 » est paru pour la première fois en auto-édition en 2020, puis dans une nouvelle version augmentée.
Jean-Pierre Gilbert, qui vit dans le Cher, est aussi l’animateur d’un blog sur lequel on peut retrouver les librairies qui proposent son ouvrage : http://www.gilblog.fr/livres_a_partager/ou-trouver-la-commune-et.html
Notes
- (1) Le dictionnaire Maitron est un ensemble de dictionnaires biographiques (66 volumes) du mouvement ouvrier français et international, de 1789 à 1968, dirigé par Jean-Louis Maitron jusqu’à sa mort en 1987. Enrichi par plus de 1.500 collaborateur·ice·s, il est publié sous l’égide du CNRS, en version papier et en ligne : https://maitron.fr