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« Gustav Landauer, un anarchiste de l’envers », ouvrage collectif

Un perturbateur parmi les perturbateurs. Pour la seule raison que sa pensée déroute les anarchistes – alors qu’il se revendique des leurs – la vie et l’œuvre de Gustav Landauer méritent d’être connues ! Ce livre, écrit à plusieurs mains, révèle un riche parcours philosophique et politique. Il regroupe également douze écrits de Landauer lui-même, dont l’article majeur « Pensées anarchistes sur l’anarchisme ».

Né en 1870 en Allemagne, Gustav Landauer est un journaliste, écrivain, essayiste et activiste militant. Il découvre le socialisme dès l’âge de 20 ans et s’investit dans la rédaction de journaux, l’animation d'un théâtre populaire, des groupes d’organisation politique ou encore la fondation de coopératives de production et de communautés autonomes...

Il traduit Pierre Kropotkine, Meister Eckhart, Oscar Wilde, Rabindranath Tagore…

Ses positions sont singulières au point de l’isoler régulièrement politiquement. « Jamais, sans doute, dans la communauté des anarchistes, pensée ne fut aussi mal étudiée et comprise que celle de Landauer », regrette Freddy Gomez dans l’introduction de l’ouvrage « Gustav Landauer, anarchiste de l’envers » (expression inspirée de Max Nettlau (1), qui qualifiait l’anarchiste allemand d’« homme de l’envers »).

Ce qui irrita ses contemporains ? « Le principal reproche que lui adressa l’anarchisme ouvrier fut sans doute d’avoir été un intellectuel et, pis encore, d’avoir pensé la révolution en intellectuel, c’est-à-dire d’un point de vue forcément extérieur à la seule classe qui pouvait la faire », souligne Freddy Gomez.
Ses pairs, quant à eux, goûtaient peu ses critiques sur le marxisme. « Bien avant quelques autres (bien peu, en fait, même longtemps après), il perçut les limites (et les dangers) du raisonnement purement matérialiste qui le sous-tendait et qui partageait avec le capitalisme un même culte de l’infini progrès, une même fascination pour la massification et une même volonté d’éradiquer les archaïsmes, les coutumes et les traditions communautaires », poursuit Freddy Gomez.

Par ailleurs, Gustav Landauer avançait des positions qualifiées de « mystiques » et de « sentimentalistes » par ses détracteurs. Contrairement à la plupart des socialistes de l'époque qui ne juraient que par la masse comme force révolutionnaire, Landauer mettait en avant la notion d’individualité, c’est-à-dire tout ce qui dans l’individu permet à l’humanité de progresser et de se perfectionner. Il appelait à une introspection personnelle permettant de se sentir appartenir à la « communauté des vivants », et à une expérience collective concrète comme nouvelle forme de relations au monde et entre les êtres humains. C’est pourquoi, il a soutenu et participé à la fondation de communautés et de coopératives libertaires. « Les hommes, les individus empiriques, isolés et dispersés, continuent d’ordonner leurs relations selon les règles de l’Etat et le Capital », écrit-il dans son « Appel au socialisme », son œuvre majeure parue en 1911. Selon lui, les individus ne doivent plus jouer le rôle qu’on leur assigne, mais décider par eux-mêmes des relations qui leur permettront de s’émanciper. Les prolétaires ne peuvent s’en sortir qu’en s’abolissant en tant que « classe du capital » et « en entrant dans d’autres relations ». Des positions qui peuvent résonner aujourd’hui dans certaines expérimentations politiques.

Opposé à la violence et à « la propagande par le fait », mais aussi à la guerre, Gustav Laudauer s’est investi dans des mouvements pacifistes pour empêcher la Première guerre mondiale et œuvrer à l’entente entre les peuples.

Commissaire du peuple à l’Insurrection publique et à la Culture lors de la Commune de Munich en 1919, il a finalement été arrêté par les troupes contre-révolutionnaires gouvernementales et assassiné à la prison de Stadelheim.

« Gustav Landauer, un anarchiste de l’envers » a été co-publié par les Editions de l’éclat et la revue A contretemps en 2018.

Plus de renseignements sur http://www.lyber-eclat.net/?s=landauer

(1) Max Nettlau (1865-1944) : historien et anarchiste allemand, ami de Gustav Landauer.